Grands prédateurs
Le territoire du Parc naturel régional du Haut-Jura compte 2 grands prédateurs : le lynx boréal et le loup gris européen. Ces grands prédateurs ont une place clé dans les écosystèmes et représentent un patrimoine naturel et « culturel ». Cependant ces espèces protégées entrent en interaction avec les activités humaines : loup et pastoralisme ; collision entre véhicules et Lynx. Pour mener à bien le travail de conservation de ces espèces, le Parc du Haut-Jura travaille sur les enjeux de cohabitation.
Loup / lynx : deux grands prédateurs aux mœurs bien différentes
Les deux espèces avaient totalement disparu de France au cours du XX ème siècle. Elles sont revenues naturellement sur le Haut-Jura par les frontières Suisses. Elles sont toutes deux protégées au niveau européen par la Convention de Berne (1979) transcrite dans le droit français. Ces grands prédateurs bénéficient chacun d’un Plan National d’Action (PNA) : 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage et 2022-2026 sur le lynx boréal. Des grandes différences sont à noter entre les deux espèces. Leur biologie, leur système de chasse ou encore leur dynamique de populations sont bien différentes. (Voir les fiches espèces détaillées)
Les différences entre le félin et le canidé :
LYNX | LOUP | |
---|---|---|
Famille | Félidé | Canidé |
Histoire | Présent partout en France avant sa disparition au cours du XX ème siècle (chassé pour sa fourrure) Réintroduit en Suisse en 1970 puis retour naturel en France par le massif du Jura | Présent partout en France avant sa disparition cours du XX ème siècle (chassé pour sa déprédation) Retour naturel en France par l’Europe de l’Est puis l’Italie en 1992. Depuis les années 2 000, passage noté dans le Jura puis installation en 2016 avec une première reproduction constatée en 2019. |
Situation actuelle | 100 à 150 individus dont 90%sur le massif jurassien | 920 individus dont 135 meutes en France 2 meutes franco-suisses sur le Jura (environ 12 individus) Population en augmentation et expansion géographique |
Poids | 20 à 25 kg | environ 30 kg |
Taille | garrot : 75 cm Longueur du corps : jusqu’à 130 cm | Garrot : 80 cm Longueur du corps : jusqu’à 140 cm |
Régime alimentaire | Carnivore strict Chasse seul | Prédateur opportuniste, carnivore au régime alimentaire varié, en fonction des proies disponibles et de la taille de la meute |
Territoire | le territoire d’un mâle (superficie entre 200 et 400 km²) recouvre généralement celui d’une ou plusieurs femelles (100 à 200 km²) | Le territoire d’une meute couvre entre 150 et 300 km² |
Mode de vie | solitaire | structure familiale hiérarchique : meute |
Des grands prédateurs garants des équilibres écologiques
Toutefois ces grands prédateurs partagent une place importante dans les écosystèmes. En effet ils interagissent avec leur proie, notamment les ongulés sauvages et en limitent le développement. Cette régulation naturelle est profitable à d’autres espèces animales et végétales. Ils participent dès lors au maintien d’équilibres écologiques fondamentaux.
Cependant les interactions avec l’humain sont inévitables sur un territoire vivant et habité comme le Haut-Jura. Les enjeux de cohabitation sont donc inhérents aux missions de conservation.
Loup / lynx : des enjeux de cohabitation et conservation différents
Ces deux espèces ayant des fonctionnements bien différents, leurs impacts sur les activités humaines ne sont pas les mêmes.
Le lynx : des enjeux multiples entre suivi, connaissance et risque de collision
On dénombre seulement environ 150 Lynx en France dont 90 % se situent dans le massif jurassien. Le Haut-Jura porte donc une forte responsabilité pour sa conservation en France.
Présents dans l’ensemble du massif jurassien, les lynx sont amenés à occuper des territoires de plus en plus anthropisés, avec des réseaux d’infrastructures de transport terrestre (ITT) en extension et un trafic routier en augmentation constante. Ces ITT représentent des barrières aux déplacements et à la dispersion mais sont aussi à l’origine de nombreuses collisions mortelles. Depuis le retour de l’espèce en France, les collisions routières représentent 58 % des cas de mortalité détectés. (chiffres 1974-2018 du Réseau Loup-Lynx).
Les populations de Lynx d’Europe de l’Ouest, dont fait partie la population jurassienne, sont issues d’un faible nombre d’individus réintroduits provenant du massif des Carpates (Slovaquie). De précédentes recherches ont montré que les populations isolées et de petite taille présentent un manque de brassage avec d’autres populations et de ce fait une diversité génétique réduite. Cela affecte la viabilité et la survie de l’espèce. Les maladies font d’ailleurs partie des causes de mortalité de l’espèce. L’acquisition de connaissance (génétique, dérangement) et le suivi des populations (zones de présence, corridor…) sont des enjeux incontournables .
Le Lynx a peu d’impact sur les élevages jurassiens à majorité bovin. Les 140 attaques recensée en 2020 en France ont eu lieu sur de l’ovin ou du caprin. L’enjeu de cohabitation avec le monde de l’élevage est donc moins présent qu’avec le loup. Il demeure un enjeu de cohabitation avec le monde cynégétique puisque certains chasseurs voient la prédation des Lynx comme une concurrence à leurs activités. Mais globalement le lynx bénéficie d’une image positive auprès des jurassiens et fait figure de symbole du territoire. Cette côte de popularité n’empêche pas des cas de braconnage.
Le loup : un enjeu majeur de cohabitation avec le pastoralisme
De retour naturellement en France depuis les années 1990, les loups reconquièrent le territoire national rapidement. La population de loup française est en augmentation et en expansion géographique rapide. On dénombre environ 1 000 loups en France. L’impact du loup sur les activité d’élevage est fort avec plus de 12 000 victimes en 2020 sur le cheptel français.
En 2022, à minima deux meutes de loups franco-suisse sont installées sur le territoire du Haut-Jura. Cela représente une dizaine d’individus.
Les meutes jurassiennes ont entraîné des attaques sur les troupeaux domestiques. Environ une trentaine d’animaux ont été prédatés en 2022 dans le Doubs et le Jura. Cette prédation concernait notamment des jeunes bovins et suscite des questions sur un territoire d’élevage de vaches laitières. Le Haut-Jura doit donc travailler sur la cohabitation entre les activités économiques impactées directement ou indirectement (élevage, tourisme et chien de protection…) par le retour du loup. La connaissance et le suivi de l’espèce et plus particulièrement des individus jurassiens apparaît également comme un enjeu.
Le Parc contribue à la conservation des grands prédateurs
Conserver le Lynx boréal : les actions du Parc
Le Parc du Haut-Jura est impliqué dans le suivi des populations de Lynx via le réseau Loup/Lynx. Il participe également à différents programmes de conservation comme le PNA Lynx, PNCL, Ittecop… Il participe par exemple à deux études :
- Étude sur la diversité génétique du Lynx : Porté depuis 2019 par le Laboratoire Chrono-Environnement et animé par la SFEPM (Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères), ce projet consiste à étudier la diversité génétique des lynx en France, en se basant sur un protocole non intrusif : la collecte de fèces. En tant que référent géographique pour le Haut-Jura, le Parc contribue à ce projet de recherche qui devrait permettre d’améliorer la connaissance de l’espèce et donc sa conservation.
- Étude avec le CEREMA (Centre d’Etudes et expertise sur les Risques, l’Environnement, la Mobilité et l’Aménagement) visant à réduire les risques de collision sur son territoire. L’objectif est de :
- Définir les zones de conflit entre infrastructures routières et lynx, selon différents facteurs (mortalités des lynx par collision, données de transport, occupation des sols, variables paysagères, …) ;
- A partir de l’identification de ces zones de conflit, les décrire précisément via des visites de terrain ;
- Proposer des mesures correctrices adaptées aux enjeux et présenter un calendrier de mise en œuvre et de suivi de l’efficacité de ces mesures dans le temps.
Enfin le Parc informe et sensibilise la population. Il organise des projections de film, des conférences, des expositions et diverses animations sur le Lynx. Le grand public peut alors en apprendre davantage sur ce discret félin.
Le retour du loup : le Parc encourage la cohabitation
Face aux enjeux de cohabitation expliqués ci-dessus le Parc a mené deux actions majeures :
- Des Diagnostics de vulnérabilité des exploitations agricoles face au loup. 9 diagnostics ont été réalisés entre 2019 et 2021 dans des élevages représentatifs du territoire. Ils ont permis de décrire le fonctionnement de l’exploitation, notamment les atouts et contraintes du système en les confrontant aux connaissances locales des loups. Enfin, l’objectif était de proposer « une boîte à outils » de mesures permettant de diminuer le risque de prédation, en tenant compte des spécificités de chacun des élevages. Trois séances de restitution et discussions se sont déroulées début 2023 en présence exclusive d’éleveurs.
- Des documents et vidéos d’information et de sensibilisation aux bons gestes à adopter en présence d’un chien de protection des troupeaux . Ces informations sont mises à disposition des pratiquants d’activités de pleine nature (randonnées, balade, VTT…)
Le Parc participe également au suivi et à la connaissance des populations de loups dans le cadre du réseau Loup/Lynx. Il informe et sensibilise la population au retour du loup et aux enjeux que cela soulève à travers des conférences grand public