Restaurer la Bienne à Jeurre

Depuis plusieurs années, le Parc naturel régional du Haut-Jura lance des opérations de restauration du bon fonctionnement de la Bienne, notamment sur les anciennes carrières de Jeurre et Lavancia. Le site de Jeurre fut le premier site restauré. Lopération exceptionnelle s’étend sur 1 km de cours d’eau. Elle allie différents enjeux liés à la fois à la morphologie de la rivière, à la qualité des milieux naturels, au risque inondation … Ainsi, elle démontre l’intérêt d’une action transversale et d’ampleur

La Bienne, une rivière fortement modifiée par l’Homme

Jeurre en 1938, des bancs de matériaux actifs et un lit majeur disponible dans son intégralité. Vue aérienne de la Bienne
La Bienne exploitée par l’entreprise Perrier en 1984
Jeurre en 2015, vue aérienne de la Bienne

Au cours des 150 dernières années, la Bienne a connu de nombreux bouleversements liés à l’activité humaine. L’ensemble des travaux du XXème siècle ont fortement réduit la mobilité de la rivière. C’est-à-dire que sa capacité à faire évoluer naturellement son lit au fil des crues a été altérée. La pollution chimique liée à l’activité industrielle s’ajoute à cela. Elle a fait sensiblement baisser la qualité de l’eau. L’extraction des graviers dans le lit mineur est venue renforcer cette tendance.

Aujourd’hui le tracé du cours d’eau n’évolue quasiment plus. Son lit s’est enfoncé de près de 2,50 mètres par endroit. La communication avec les milieux humides latéraux est ainsi très faible. Par conséquent on observe une baisse de diversité des espèces et milieux naturels présents sur le site.

Un ambitieux programme de restauration du bon fonctionnement de la Bienne

Après l’arrêt de l’extraction des matériaux sur les carrières de Jeurre et Lavancia en 2015, et face au constat de dégradation de la rivière, le Parc naturel régional du Haut-Jura a souhaité s’emparer des enjeux de ce site. Dans un premier temps, l’Université de Lyon a mené une étude pour comprendre de manière précise le fonctionnement de ces sites. Suite à cette étude, le Parc, accompagné par le Bureau d’études Artelia, a élaboré une opération de restauration du bon fonctionnement écologique de la Bienne.

L’opération a commencé par le site de Jeurre. Cette opération d’envergure concerne 1 km de cours d’eau et plusieurs dizaines d’hectares de terrain. Elle allie, avec une ambition forte, réduction du risque de capture par les anciennes gravières et restauration maximale de l’Espace de Bon Fonctionnement, en poursuivant plusieurs objectifs : 

  • Restaurer un fonctionnement le plus naturel possible du cours d’eau suite à l’exploitation des carrières ;
  • Mieux prévenir les inondations en restaurant le champ d’expansion de crue, c’est-à-dire les endroits où la rivière peut s’épandre sans créer de dommages aux biens et aux personnes ;
  • Diminuer la surface des plans d’eau de l’ordre de 2.7 ha au profit de milieux alluviaux qui connectent plus facilement avec la Bienne lors des crues ;
  • Réduire le risque de capture de la Bienne, particulièrement élevé sur le site ;
  • Gérer les espèces végétales exotiques envahissantes ;
  • Favoriser la diversité des milieux naturels et des espèces autochtones

… tout en préservant les autres usages du site, au profit des populations riveraines.

Un risque de capture c’est quoi ?

La capture du lit mineur par une gravière à l’occasion d’une crue constitue un cas extrême où le trajet de l’écoulement est définitivement modifié. La capture survient quand il se produit une connexion en un point amont et en un point aval entre la gravière et le cours d’eau, associée à un déplacement du lit mineur dans la gravière.

La réglementation relative aux dispositions prévues dans l’arrêté ministériel du 24 janvier 2001 modifiant l’arrêté du 22 septembre 1994, spécifiques aux gravières définit des « espaces à risque de capture de la rivière » (risque de déplacement du lit mineur).

La capture d’un cours d’eau par une gravière peut avoir des effets hydrauliques et géodynamiques très négatifs :

  • Changement brutal de tracé avec rupture de digue,
  • Phénomènes d’incision du lit dus aux érosions régressives et progressives,
  • Mise en péril des ouvrages d’art ou protection de berges en amont de la gravière,
  • Disparition du substrat alluvionnaire et de ses fonctions biologiques.
Rupture de digue en 2021 ©PNRHJ/R.Bellier
Illustration du risque de capture de la Bienne par les gravières lors de la crue de 2021. La Bienne a besoin de place !

Le déroulement du chantier

Il s’agit donc d’un chantier hors-norme de par la dimension du cours d’eau ; de par la nature du site et des travaux engagés, en l’occurrence la réhabilitation d’une carrière en bord de cours d’eau, mais aussi de par son caractère exceptionnel (quelques chantiers de ce type seulement réalisés en France).

Le chantier s’est déroulé en deux grandes phases :

  • Janvier – Mars 2021 : travaux préparatoires avec préparation des accès, déboisement des emprises, gestion des espèces invasives notamment, premiers terrassements ; 
  • Août – Novembre 2021 : travaux de terrassement avec suppression des remblais/digues, remodelage du lit de la Bienne et des plans d’eau, plantations…

Quel devenir pour le site de Jeurre ?

Le foncier de ce site était complexe :

  • Une petite partie communale aussi avec du domaine public fluvial en partie et entièrement privé au nord.
  • De la pêche sur certains plans d’eau mais peu réglementé (à cheval entre domaine public et privé, ou entièrement privé).
  • Une réserve de chasse en partie sud (long de la route). Une plateforme privée qui a l’unique accès du site…

Dans le cadre des travaux le Parc a racheté les gravières jusqu’à lors privées. Seule la plateforme reste privée. En effet, Jura Sud Terrassement (qui a repris l’entreprise Perrier) conserve la plateforme pour une activité de trip/concassage/recyclage de matériaux. L’ensemble du projet doit donc respecter ce choix de conserver une activité sur ce site.

Dans un deuxième temps, le site sera rétrocédé à l’euro symbolique par le Parc à la commune non sans obligations réelles environnementales. L’ensemble des acteurs (pêcheurs, chasseurs, état, commune…) seront conviés pour échanger sur le devenir du site et les modalités de gestion. Un accès communal sera réalisé (inexistant auparavant), évitant le passage par la plateforme privée.

Maîtrise et montant des travaux

Maîtrise d’ouvrageSyndicat Mixte du Parc naturel régional du Haut-Jura au titre du Grand Cycle de l(Eau et de la compétence GEMAPI.
Dans le cadre du contrat Haute-Vallée de l’Ain et de l’Orbe signé avec l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse
Maîtrise d’œuvreArtelia / CD Eau Environnement.
Montant des travaux 1 067 221 € TTC dont les financements se répartissent ainsi :
– 70% Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse,
– 10 % Région Bourgogne-Franche-Comté
– 20 % Parc du Haut-Jura.